L'histoire du collodion humide
L’histoire du collodion humide se situe de 1851 à 1880. Ce procédé de prise de vue photographique a largement été utilisé lors de cette période. Il est le premier système de formation d’images sur plaque de verre et a été mis au point par le britannique Frederick Scott Archer (1813-1857).
Je vous propose tout d’abord de situer cette technique parmi celles qui ont marqué le XIX ème siècle et le début de l‘histoire de la photographie.
Petite histoire des premiers procédés photographiques
Avant d’aborder l’histoire du collodion humide, revoyons les tout premiers débuts de la photographie.
L’emploi d’une chambre noire pour former une image datait du temps de Léonard de Vinci. Cependant l’image formée devait être dessinée ou peinte pour la garder. Après cela les techniques de la gravure (eaux-fortes et héliographie) ont permis de reproduire les images. Mais pas celles capturées de la réalité, de la nature.
Nicephore Niépce
La première image prise d’après nature date de 1826. On l’a doit à Nicephore Niépce qui exposa une plaque d’étain recouverte de bitume pendant plusieurs jours.
En 1828, Niepce améliore son procédé et remplace la plaque l’étain par une plaque d’argent et l’expose à de la vapeur d’iode. Le résultat obtenu est bien meilleur mais le temps d’exposition reste de plusieurs heures.
Louis Daguerre
A partir de 1829, Louis Daguerre (1787-1851) s’associe à l’inventeur de la photographie, et accomplit des progrès significatifs. Après la mort de Nipece en 1833, il utilise une plaque de cuivre recouverte d’une couche d’argent polie. Il expose aux vapeurs d’iode. L’argent et l’iode mis en ainsi en contact engendrent une réaction qui produit de l’iodure d’argent. Ce dernier est plus sensible à la lumière que le bitume. Daguerre découvre par hasard qu’une plaque exposée soumise aux vapeurs de mercure laisse apparaître une image latente. En trempant plus tard d’autres plaques dans une solution saline, il se rend compte qu’il peut empêcher l’image de noircir avec le temps. A partir de ce moment-là, le temps d’exposition se réduit significativement lors de la prise de vue.
En 1839, la commercialisation s’effectue sous le nom de “daguerréotype”.
A la même période ou Niepce et Daguerre mènent leurs recherches, le britannique Wiliam Henry Fox Talbot (1800-1877) met au point le “calotype”en 1840. C’est le premier procédé négatif-positif qui permet la diffusion multiple des images.
Le support photosensible qui sert de négatif est un papier glacé enduit d’une solution de nitrate d’argent. L’image obtenue, moins précise que le daguerréotype, est améliorée par les travaux d’ Hyppolyte Bayard (1801-1887) puis par Louis Blanquart-Evrard (1802-1872) qui met au point un papier à l’albumine pour les tirages. En 1851, Gustave Le Gray (1820-1882) invente le négatif sur papier ciré. Il applique une couche de cire sur le papier qui le rend transparent et lui donne des facilités de conservation. Le seul défaut était la longueur du temps de pose qui atteignait de dix à trente minutes encore.
La révolution du collodion humide
En 1846, les chimistes découvrent le coton-poudre. Dissout dans l’éther alcoolique, il est employé pour cicatriser les blessures, puis il devient collodion, un élément essentiel pour la photographie.
Dès 1849, Gustave Le Gray préconise un procédé au collodion humide sur négatif papier, puis sur verre. Il n’obtient que des marines où ciel et mer se confondent.
C’est Frédérick Scott Archer (1813-1857) qui en 1850 met au point le procédé photographique au collodion. Ce dernier permet d’obtenir un négatif de qualité, beaucoup plus net que celui réalisé avec le négatif papier, et qui peut soutenir la comparaison avec l’image unique du daguerréotype.
Il permet d’obtenir également directement des positifs : il suffit alors de placer derrière le verre blanchi à l’acide nitrique un fond noir pour faire apparaître les teintes réelles. Cette image unique, ambrotype (du grec ambrotos, impérissable), réalisée pour un prix réduit, eut un succès énorme, malgré une qualité qui laissait toutefois à désirer. Une version sur plaque métallique noire, ferrotype, apparut aussi.
Succès du procédé
La photographie sur négatif au collodion humide eut un succès considérable et fit disparaître la plupart des procédés concurrents. Frédérick Scott Archer, qui n’avait pas déposé de brevet, mourut comme nombres d’inventeurs, dans la misère.
L’histoire du collodion humide s’étend sur trois décennies. Ce procédé de photographie fut largement utilisé et perfectionné. Il a simplifié les modalités de mise en oeuvre et il a amélioré les résultats. La plaque devait toujours être préparée juste avant la prise de vue et développée rapidement après. Par conséquent toutes ces opérations devant être réalisées en un quart d’heure.
Un certain nombre de praticiens, pour maintenir le collodion plus longtemps humide, allèrent même jusqu’à ajouter sur la plaque des substances hygroscopiques, tels la gomme arabique, le lait, la bière, le miel, le sirop de sucre,le thé, le café,le tabac gommé…
La disparition de l’emploi du collodion humide
Dès 1858, une firme anglaise fabrique des plaques sèches et rencontre un gros succès. Arrivent aussi en 1864, des plaques préparées à l’avance avec du collodion contenant de l’ammonium, du bromure de cadmium et du nitrate d’argent. 1867 voit l’arrivée sur le marché de plaques sèches au collodion-bromure d’argent. Les manipulations délicates, surtout en extérieur, sont supprimées. Cependant la prise de vue réclame aors des temps de pose trois fois plus long.
Après des années de recherche pour remplacer le collodion par une autre substance, c’est un médecin anglais Richard L. Maddox (1816-1902) qui introduit un nouveau procédé avec une émulsion à la gélatine.
Vers 1880, le procédé au collodion humide disparaît et laisse la place au gélatino-bromure, qui ouvre l’ère de la photographie moderne.
Le procédé en lui-même
Le nitrate de cellulose ou collodion est dissous dans une préparation d’alcool et d’éther. On introduit des sels de cadmium, d’ammonium et de potassium. Ces sels dissouts on obtient du collodion photographique. Celui-ci est étendu ensuite sur une plaque de verre ou de métal. Lorsque le mélange onctueux commence à se figer, la plaque est plongée dans un bain de nitrate d’argent pour effectuer la sensibilisation. Les sels présents sont transformés alors en halogénure d’argent sensible à la lumière. La plaque est ensuite égouttée, puis transfèrée dans un châssis étanche à la lumière.
Conditions de manipulation
Toutes ces manipulations se réalisent en pièce obscure évidemment. L’exposition de la plaque humide peut s’effectuer alors avec une chambre photographique . Une fois exposée, celle-ci doit ensuite être immédiatement développée avec de l’acide gallique ou du sulfate de fer. Après cela elle est fixée au cyanure de potassium ou au thiosulfate de sodium. Si on utilise une plaque de verre, le procédé aboutit à un ambrotype avec un fond noir mis derrière la plaque. Si c’est une plaque de métal qui est utilisée on obtient un ferrotype.
Pour plus de détail, je vous invite à visionner la vidéo de Francis Courtemanche qui vous donne une excellente recette de préparation :
La pratique du collodion humide à nouveau très actuelle
Nous assistons à la redécouverte de l’histoire du collodion humide. De nombreux photographes professionnels et amateurs pratiquent à nouveau la photographie avec ce procédé. Ils recherchent à vivre l’émotion que procure la réalisation d’un cliché qui sera unique et un véritable objet d’art en soi. Et surtout pour quitter la simplicité qu’offrent les capteurs numériques
Comme exemple je vous convie à découvrir le travail de Ian Ruhter. Vous observerez les moyens qu’il a mis en place pour réaliser des images de très grands formats sur plaque de métal :